VALENTINA
Caroline Guiela Nguyen
La pièce est encadrée par un conte : une histoire de cœur éternel dans une cloche en verre au fond d'une forêt.
On ne peut pas s'empêcher de penser à la rose enchantée du conte de la Belle et la Bête.
Ici, deux cœurs entrelacés, celui d'une fille et de sa mère qui viennent de Roumanie, qui quittent le père violoniste ; celui-ci accompagnera la famille du son de ses cordes déchirantes qui vont émouvoir le spectateur.
Le cœur de la mère est malade, c'est à la France qu'elle le confie ; le cœur de la fille bat au rythme de sa nouvelle vie dans une école française. Cette enfant est allophone et son histoire permet d'entrevoir les possibles vies des familles nouvellement arrivées en France, leur souffrance silencieuse, leur enfer.
Première scène, tous les objets et décors de la pièce sont présents ; les comédiens les déplacent et tournoient autour d'eux pour les charger d'une portée symbolique.
Dès le début, une caméra mobile est en place ; elle filmera toutes les scènes. Cependant, l'écran n'est ni additionnel ni envahissant. Chaque cadrage est réfléchi, réussit à dialoguer avec les acteurs. On navigue entre les deux points de vue, sans effort, sans perdre le jeu que l'on regarde autant que l'écran.
Le grain de l'image cinématographique donne une dimension vintage et vieillie qui rappelle que nous sommes dans la fiction du conte.
Les acteurs jouent avec un regard face caméra qui permet d'intensifier la tension dramatique.
Cependant, c'est plus vrai que du théâtre ou du cinéma, comme dans Lacrima, le dispositif apporte une part de réalisme qui rapproche ses deux œuvres du documentaire fictionnel.
Enfin, le sujet de la pièce est profondément social dans la mesure où il montre une injustice des accès aux soins par les personnes qui sont étrangères ; comment est-il possible qu'une enfant soit amenée à traduire les rendez-vous de sa mère atteinte d'une arythmie cardiaque ?
Les services étatiques sont perçus comme défaillants ; les humains sont incapables de rattraper ce désastre.
L'hôpital d'un côté, l'école de l'autre ; la docteure est pressée, dépassée ; la directrice de l'école fait de son mieux mais ne remarque pas la vérité sous le mensonge de la famille.
Valentina ne ment pas, elle cache un secret de famille pour aider sa mère à continuer à vivre.
Valentina est une enfant exceptionnelle mais s'éteint progressivement.
Les enfants sont toujours en première ligne.
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Laura Zerbib, compagnie des roues libres, juin 2025